lundi 24 novembre 2014

Mouton - Discours n°11


ou la philosophie du berger



MOUTON : du gallo-roman mŭltōnem, accusatif de mŭlto, mot gaulois et maout, « bélier castré » en breton. Mammifère herbivore de la famille des ovidés, à poils laineux et frisés.
Sens fig. Personne incapable de prendre une décision et qui se contente de suivre un meneur (dit mouton de Panurge). « Ils l’ont tous suivi comme des moutons. »

    Par avance pardon. Pardon pour cet animal si charmant. Pardon a tous ceux qui bergers ou éleveurs, n’ont pas à rougir de manipuler tous les jours le troupeau. Ils ne seront en rien dans mon propos, tenus pour responsable de dictature ou de malveillance envers leurs semblables. La langue Française permet bien des manipulations du sens des mots. Aussi le mot « Mouton », sera employé ici, dans son sens des plus figuré.
Et je conserve toute mon affection à celui qui dans les campagnes… guide ou se laisse guider…

      J’ai pris l’habitude de compter des moutons imaginaires avant de dormir, ça aide pour s’endormir plus facilement. Il y a parfois des situations à en perdre la laine… Car le chemin qui mène à la révolution d’une société, à un changement de comportement, ou à une simple remise en question de son propre mode de vie ; n’a rien d’habituel. Et cela sort même d’une certaine logique.
     Brebis égarée pour les uns, mouton à cinq pattes ou vilain mouton noir pour les autres. Il y en a qui ont quitté le troupeau pour devenir berger. Pas le berger leader, non. Plutôt berger « gardien » de valeurs. Gardien de la cité, gardien de savoir-faire, gardien d’une certaine morale ou éthique. Jardiner, partager, tricoter, écrire ou raconter, chercher, trouver et réussir et créer, ils sont paysans, artisans et artistes, membres actifs d’une association.
     Ils y en a même qui vont plus loin dans la démarche. Et qui bien que restant doux comme des agneaux, deviennent mouton enragé ; homme ou femme, paisible, qui sort soudain de son caractère pour défendre des idées et moutonner (dénoncer en argot). Ils sont zadistes, presses alternatives, autres activistes et révolutionnaires.
Prendre un chemin différent, peut prendre plusieurs formes. Mais la direction est souvent la même : le changement de notre société.
     Mais finalement, sortir du troupeau, c’est croire agir pour le bien de tous. « Croire » ! Car il semblerait que pour le reste du troupeau, cette divergence soit considérée comme le loup dans la bergerie… Car sortir du troupeau, c’est marquer une certaine rupture, c’est se différencier de la masse et s’affirmer. L’individu va être assimilé à un dissident, à une brebis galeuse. Car la marginalisation c’est une forme de dénonciation de ce qui nous tourmente, de ce qui ne va pas dans le troupeau : vivre en marge du système car on n’est pas d’accord. Alors ça dérange, ça questionne et remet en cause chacun d’entre nous et surtout, le troupeau. Le marginal devient le loup et les moutons du troupeau vont s’unir contre lui.
Si bien que souvent le mouton ne peut perdre de plume, le loup, quant à lui dans les histoires, finit tondu comme un mouton.
Mais revenons à nos moutons…

     Qu’est ce que de suivre le troupeau ? Pourquoi est-il honorable (ou pas ?) que des êtres humains suivent sans réfléchir une obligation, une ligne de conduite, ou un acte ? Ordonné ou proposé par un autre semblable, qui se définit comme un chef avec ou sans proclamation.
L’homme est un être grégaire, il s’organise en communauté. Il n’a dans sa majorité, pas pour habitude de vivre en solitaire. Il y a bien sûr aisance à vivre en groupe, en tous cas de figure. Mais il implique de fixer des règles pour toute vie en société. Et plus cette société est grande et plus elle est régie par une organisation qui donne pour chacun, le titre de penser ou de faire,  le titre de décider ou d'obéir. Car si chacun est à faire sa tache, qui peut donc prendre le temps de décider pour le bien commun. Ainsi ont été établis les oligarques . Il est certain que notre organisation actuelle créer un clivage entre décideur et obéissant. Car pour être décideur, il faut peser un poids face à l’autre, se mesurer et montrer que l’on est force. L’élu, le chef ou le dictateur se démarque par sa puissance face aux autres membres de la communauté. Cette puissance est qualitative et surtout quantitative. Elle tient pour unité de mesure, l’argent. Alors notre société est régie par l’économie.
     Mais il y a aussi un sentiment moral d’appartenance. Membre d’une communauté, d’une classe, d’un territoire etc. Il n’est pas toujours bien venu de faire bande à part quand on vit dans un contexte grégaire. Le châtiment de se voir faire bande à part, peut devenir un fardeau porté à vie.
Aussi il est préférable de suivre le troupeau.
     Car se laisser mener c’est garantir bien des avantages. De la sérénité au paraître, ne pas prendre la décision c’est profiter d’un calme tout relatif certes, mais tout de même bien confortable. Car c’est bien  de là que viennent nos problèmes. Le confortable : l’avoir, l’être, le consommé puis le jeté ; conditionne le mode de vie actuel. Et puis en redemander quand la source se tarie, est simple quand la masse l'exige. Car comme pour le reste, seul on est différent, on est rien. En troupeau on obtient ! Pour obtenir gain de cause et préserver son confortable, le troupeau est une force quand il est regroupé. Une force qui peut s’imposer même face à la toute puissance économique du décideur.
Car en réalité le mouton est individualiste mais dans le troupeau ! Cette masse que l’on traite dans ce propos n’est en fait que bien relative. Car elle ne se manifeste que pour préserver son confort. Bien en réalité le mouton est au jour le jour, bien plus replié sur lui-même que solidaire de la masse. C’est ce qui fait sa faiblesse. Le décideur l’a bien compris et il utilise sa force pour maintenir, contenir et diviser le troupeau. L’individualisme n’a rien d’une solution, il faut se défaire de cette idée. L’individu n’existe que dans le rêve de chacun car c’est ensemble que nous vivons.
     Le marginal est une menace pour le décideur. C’est le désobéissant, il se manifeste et créer le trouble. Car celui qui vit en marge du système sort de toute maitrise. La brebis galeuse  en sortant du troupeau, a pris le chemin de l’autonomie. Mais seul, le marginale reste faible mais pouvons nous imaginer la force que peut représenter un troupeau de brebis galeuses ?

     Alors s’il faut un berger, il est certainement plus indispensable d’avoir des moutons. Car c’est en masse que notre société évolue. La force de la masse donne le ton sur l’importance du changement. Le berger n’a que le bâton pour se différencier du reste du troupeau. Car il est lui-même mouton. Et si l’on croit au bâton de berger, il n’est lui aussi qu’une énergie collective. Car finalement c’est toujours le troupeau qui est aux commandes et qui décide de la direction… 


Mikael HARDY, Ecole Paysanne 35




Un changement de civilisation



extrait de conférence de Marc LUYCKX-GHISI

à l'Entrepôt à Paris le 5 mai 2010 -

" SURGISSEMENT d'un nouveau monde " 
Deuxième édition l'Harmattan
Collection Economie Plurielle :



« Nous vivons un changement de société rapide et profond car la rationalité moderne, l'approche patriarcale et le capitalisme industriel ne sont plus capables de formuler une réponse satisfaisante ni au problème de notre survie collective et de celle de l'environnement, ni aux problèmes sociaux et démographiques de notre monde en ce début de XXIe siècle.

Ils sont déjà dépassés car ils ne font plus sens : ils conduisent à la mort. La société civile mondiale cherche déjà ailleurs, même si les pouvoirs s'évertuent à la convaincre qu'il n'y a pas d'alternative. Certains sont en train d'expérimenter un profond réenchantement, une réconciliation corps-coeur-âme.

Dans ce groupe de 25 % de citoyens européens et américains, 66 % sont des femmes.

Ces changements en cours touchent aux aspects les plus profonds de nos vies comme la relation homme-femme, le sacré, la vérité, le statut de la raison et de la science, le temps, l'espace et le bonheur. Et en même temps, c'est l'architecture souterraine de la modernité qui est en train de se dissoudre. Il est normal que les citoyens ressentent de l'angoisse. 

À un niveau moins profond, mais tout aussi important, la société de l'information est comme le turbo qui accélère et approfondit ces changements. En modifiant le coeur même de la logique capitaliste et communiste, elle les dépasse et nous fait entrer dans une logique qui s'avère chaque jour plus différente ; et où les avantages et les dangers ne seront pas nécessairement ceux que nous percevons aujourd'hui. »












samedi 1 novembre 2014

Méthodologie pour une Réforme Agraire - Discours n°9




Méthodologie pour une Réforme Agraire


Discours n°9



Agraire signifie les champs en latin. Une réforme agraire c'est « refaire les champs », refaire la taille, la typologie, le partage des champs.

Nous partons du constat que notre société est en souffrance :
  • problème de chômage (5 millions de chômeurs, 10 millions de précaires)
  • problème de pollution et de dégradation de l'environnement
  • problème de santé publique (allergies, obésité, cancers,augmentation de la stérilité ...)
  • problème de logement.
Ces maux sont en grande partie liés à l'urbanisation de la population (87 % de la population française vit en ville) : trop de personnes sur un espace trop restreint.

Parallèlement en campagne :
  • nous manquons de main d’œuvre (les jeunes qui s'installent sont souvent débordés par le travail, ce qui n'encourage pas à la diminution des pesticides)
  • nous manquons de services publiques (isolement des personnes, augmentation du vote FN...)
  • beaucoup de logements sont vacants (perte de patrimoine pour les ruraux)

Et globalement nous vivons dans une société qui pousse à consommer pour consommer et n'a plus de sens. Ce qui engendre une forte augmentation des suicides.

Une réforme agraire est déjà en marche aujourd'hui, la réforme agraire libérale. Qui pousse à l'industrialisation de l'agriculture, à l'accaparement des terres, à l'endettement des paysans et met en péril l'autosuffisance alimentaire : aujourd'hui plus de 70 % de la surface agricole en France est destinée à l'alimentation animale et non humaine ; et l'autonomie alimentaire dans nos grandes villes n'est que de 3 jours.

Nous ressentons tous aujourd'hui que nous basculons dans un nouveau monde. Arrivée à son apogée, notre civilisation commence à décliner ; alors qu'à l'est la Chine s'est éveillée. Les décennies, les siècles, qui arrivent, vont être l'occasion de repenser notre manière de vivre ensemble et d'être au monde.
Parce que le libéralisme laisse trop de personnes sur le bord de la route, l'école paysanne propose un ambitieux programme de relocalisation de la population, de repeuplement de nos territoires, par une réforme agraire humaniste. C'est à dire qui affirme la valeur de la personne humaine et vise à l'épanouissement de celle-ci.
Nous sommes légitimes en cela en tant que paysans. Les grecs anciens appelaient les paysans « les gardiens de la cité ». Car ils travaillent en dehors des murs protecteurs de la cité afin de la nourrir. Notre métier n'est pas anodin, nos choix de vie sont porteurs de sens et nous rendent responsables devant nos concitoyens et notre cité.
Nous repartons des conclusions du congrès national de la Confédération Paysanne d'il y a 4 ans qui préconisait l'installation d'un million de paysans. Mais nous prenons le terme « paysan » dans son sens étymologique : « l'habitant du pays ». Tous les agriculteurs sont des paysans, mais les paysans ne sont pas tous des agriculteurs.
Nous envisageons cette réforme agraire au niveau national puisque jusqu'à preuve du contraire nous faisons partie d'un pays qui s'appelle la France. Mais cette réforme agraire doit se réfléchir et se vivre localement, en fonction des particularités et intérêts de chaque régions, chaque terroirs. C'est pour cela que nous appelons à la création d'écoles paysannes dans chaque départements.

L'école paysanne propose des pistes de réflexion et des actions concrètes pour lancer la réforme agraire : (liste non-exhaustive)

  • aller à la rencontre des urbains, pour trouver les paysans sans terre, les paysans qui s'ignorent et stimuler l'envie d'un retour à la terre :
    * lier des contacts avec toutes les maisons de quartier
    * se greffer sur les expériences d'agriculture urbaine (incroyables comestibles, jardins ou compost collectifs, Défi Famille avec Agrobio...)
    * prise de parole et discussions aux pieds des tours
    * contact avec les squats et lieux alternatifs
    * « fermes en ville » itinérante, pour sortir du centre ville
  • lister les lieux en friche, en ville et en campagne
  • cibler et promouvoir les départements les plus désertifiés pour les repeupler (les îles, le Limousin, etc...)
  • création d'une page Facebook pour entrer en contact avec des personnes éloignées de nous.
  • mettre en place un réseau de « ferme d'accueil », sur le principe des familles d'accueil, pour accueillir les volontaires et les former.
    Création des statuts de paysan-formateur et paysan-élève (à faire valoir auprès des politiques pour motiver des rémunérations). Se mettre en lien avec Entraide Rurale qui a de l'expérience en la matière.
    Cette idée de ferme d'accueil est un outil intéressant pour les fermes laitières classiques qui ont de plus en plus de mal trouver des repreneurs. C'est l'occasion de transmettre ses connaissances mais aussi de réfléchir à l'évolution possible de ces structures.
  • Mise en place de groupe de réflexion sur la gestion du foncier :
    réflexion sur la notion de propriété privé, ses avantages et ses inconvénients,
    les Offices Fonciers de Pisani, les SIC, les coopératives...
    Parce qu'il faut anticiper l'avenir pour ne pas le subir.
  • Reconnaissance du rôle social et politique de l'Agriculture Vivrière.
    Pour reconquérir les territoires désertifiés nous devons revenir aux sources du peuplement : c'est l'agriculture nourricière qui a permis la sédentarisation des populations et l'épanouissement des villages.
    C'est aussi le moyen d'accompagner l'évolution de notre société vers un mode de vie plus sobre, sur les principes de l'agroécologie. Nous ne pouvons pas continuer à vivre au dessus de nos moyens et surtout au dessus de ceux de la terre.
    L'agriculture vivrière est un outil pour redonner un travail et une vie digne à ceux qui en sont privés.
  • Promotion du Revenu de Base, qui permet de réaffirmer la valeur de la vie humaine au delà des critères de productivité et de compétitivité. Ce revenu serait attribué à chaque être humain afin de pourvoir à ses besoins vitaux (alimentation et logement) et le complément viendrait de la somme de travail que chacun souhaite réaliser.
    C'est l'occasion pour tous de réfléchir à la place du travail dans notre vie, entre mono-activité et pluri-activité. Pour beaucoup d'entre nous, si le travail forme le corps et l'esprit, il n'est pas la seule curiosité de la vie.
    Idée de gauche à l'origine, le revenu de base est aujourd'hui défendu par des économistes libéraux, pour faire face à la robotisation grandissante des activités humaines.
Notre objectif, à l'école paysanne, est de lever une armée de paysans, pour reprendre possession de nos territoires et proposer une idée de société plus humaniste.

Notre programme ne prévoit pas de grand bouleversements institutionnels ou juridiques. Ces propositions veulent accompagner le changement des mentalités qui est déjà en marche, car l'organisation de la production agricole est toujours la première question qui se pose à une civilisation naissante.
La reconnaissance de l'agriculture vivrière, par la Mutualité Sociale Agricole et le ministère de l'Agriculture, est le moyen de réaffirmer le droit inaliénable de chaque être humain à travailler la terre pour se nourrir.

Pour faire face aux changements géopolitiques, aux changements climatiques et aux changements sociétaux, nous avons besoin d'une Réforme Agraire, en France, maintenant.


Clarisse Prod'homme, école paysanne 35

Quelle propriété privé pour demain ? Discours 8




Quelle propriété privée pour demain ?

Discours n°8



     L'agriculture est la base de toute société humaine puisqu'elle assure la production de nourriture.
Le choix du modèle agricole est fondamental car de lui découle toute l'organisation de la société.
Pour changer une société il faut donc commencer par réfléchir le modèle agricole.
      Au cours du siècle passé, le capitalisme et le communisme nous ont proposé deux modèles opposés de développement agricole. L'un basé sur l'individualisme, l'autre sur le collectivisme. Chacun a montré ses atouts et ses faiblesses mais aucun n'a été concluant pour bâtir une société humaniste, c'est à dire qui affirme la valeur de la personne humaine et vise à l'épanouissement de celle-ci.
      La proposition d'Edgard Pisani avec les Offices Fonciers se veut un juste milieu, une conciliation entre la gestion collective des terres (car la société dans son ensemble à son mot à dire sur la production de nourriture) et un usage privatif (car la liberté c'est le respect des choix de vie de chacun).
    L'expérience montre que l'unité agricole la plus nourricière (c'est à dire à la fois productive, écologique et humaine) est la ferme paysanne familiale. Pour que notre société assure sa sécurité alimentaire tout en respectant l'Homme et la nature, il faut donc encourager et soutenir ce type d'agriculture.
      A l'heure actuelle cette forme agricole est mise à mal par le poids des biens de production (achat des terres et des bâtiments). L'industrialisation de l'agriculture et la spéculation foncière ont conduit au surendettement de la paysannerie. Surendettement qui freine aujourd'hui l'installation des jeunes et met donc en péril notre souveraineté alimentaire pour les années à venir. Surendettement qui oppresse les paysans et est à l'origine de nombreux suicides.
Les Offices Fonciers sont une proposition qui vise à soulager les paysans de ce poids, en redonnant à la société le contrôle sur son territoire et la production de denrées alimentaires.

     L'idée est donc de créer des Offices Fonciers sur tout le territoire, qui seraient propriétaires du sol et des bâtiments. Un Office Foncier par commune engendrerait un budget et une lourdeur administrative qui pourrait être gênants, Pisani propose donc l'échelle de l'intercommunalité qui permet une gestion locale, proche des réalités de terrain, tout en étant plus souple qu'au niveau communal.
Ces Offices seraient chargés de gérer l'utilisation des terres dans le soucis de l'intérêt général.
     Ils seraient dirigés par des élus locaux (conseillers municipaux, donc accessibles) et un comité foncier, économique, social et culturel (regroupant les représentants des paysans et tous les acteurs de la société civile). Ainsi l'ensemble de la population participerait à la définition et à l'orientation de la politique d'aménagement de l'espace.
Pour financer ces Offices Fonciers, Pisani propose une refonte de l'impôt foncier, calculer à partir d'un Livre Foncier, qui renseignerait les réalités et valeurs foncières.
      Enfin, la gestion de l'espace par les Offices se ferait sur la base de contrats :
« Pour leur habitation principale les ménages obtiennent l'attribution d'une parcelle privative ou à usage indivis. Ces parcelles et ces droits sont attribués sans limitation de durée dès lors qu'ils sont transmis en ligne successorale directe. Il en est de même pour les terres agricoles qui fondent une exploitation de type familiale. Toute sous-location de droit ou de fait de ces biens est interdite. A l'extinction de la ligne directe, le bien foncier et les immeubles qu'il porte reviennent de plein droit à l'Office. »
     
     Ainsi chaque ménage en France aurait droit à son habitation et pourrait la transmettre à ses enfants (Le DAL devrait être sensible à cette proposition ! ). Chaque agriculteur ferait fructifier son exploitation comme s'il en était propriétaire et pourrait également la transmettre à ses enfants.
Le fait de limiter la succession à la descendance directe permet d'éviter les phénomènes d'accumulation (agrandissement des fermes) et de spéculation (augmentation des prix de la terre et des maisons).
Cette formule permet donc de profiter des avantages de la propriété privée (dans l'usage, se sentir chez soi, en sécurité) sans en subir les effets pervers (marchandisation du monde).

     Il est intéressant de noter que ces Offices géreraient l'espace rural mais aussi l'espace urbain car c'est un « projet de loi d'aménagement du Territoire et du Cadre de Vie » Et donc il concerne tous les habitants de la Nation ! C'est un moyen de réaffirmer la continuité de la République sur tout le territoire !
Parce que si l'on en revient à notre village fictif (je cherche toujours quelqu'un(e) pour faire les calculs pour de vrai ! (cf:discours n°1)) alors on peut imaginer bâtir un village qui fasse une place à tout le monde. Sur les conseils d'Astérix et de Kirikou, optons pour un village en rond :

Une place pour la vie villageoise :
*une mairie : parce qu'on est en République et que l'administration c'est l'outil qui fait le lien entre le local et le national
*une école : parce que les enfants ont besoin d'instruction et de vie sociale
*un hôpital : parce qu'il faut bien se soigner
*Une poste : parce qu'il faut bien communiquer avec l'extérieur
*Un ou des lieux de culte : ?????
*Les commerçants : pour qu'il y ait tout sur un seul lieu.

      Le premier cercle autour serait constitué des habitations. Les Offices Fonciers pourraient attribuer certaines habitations à des vieux qui voudraient vivre en petites collocations.
(Parce que tout de même il va falloir revoir ces maison de retraite! )
      Le deuxième cercle accueillerait les artisans, l'agriculture vivrière et les pluriactifs.
Les Offices Fonciers pourraient attribuer des terres à des personnes aux ressources limitées, pour qu'elles complètent leur revenu par de l'agriculture vivrière (intermittents du spectacles, chômeurs, parents isolé(E)s...). C'est le moyen d'assurer une alimentation de qualité pour tous et surtout de repenser l'organisation du travail.
Revenons à nos petits vieux : s'occuper d'un ou deux vieux (ou enfants en bas age car il manque aussi des crèches !) tout en ayant son potager à coté, cela paraît plus sympathique que de courir toute la journée, pour un salaire pathétique, à « traiter 40 patients en maison de retraite ». Cela paraît plus respectueux pour les vieux ET pour le personnel soignant !
Je ne peux pas m 'empêcher de penser aux parents isolé(E)s avec enfants, qui cumulent 2 ou 3 petits boulots mal payés (ménages, service en restauration,...) et qui rentrent le soir et voient leurs gosses « tenir les murs des cités » parce que la société n'a rien à leur offrir. Certain(E)s seraient surement intéressé(E)s par un lopin de terre, une habitation digne de se nom, qu'ils (ELLES) pourraient transmettre à leurs enfants, en échange de service rendus à la collectivité.
L'industrialisation de l'agriculture s'est accompagnée d'une masculinisation de celle-ci et à remis en cause le droit inaliénable de chaque être humainà travailler la terre pour ce nourrir
L'Agriculture Vivrière c'est d'abord, de part le monde, l'agriculture des femmes ; c'est aussi l'agriculture des plus humbles. La reconnaissance de la pluri-activité c'est le respect des besoins et différences de chacun.
Nous devons aussi penser à faire une place aux artisans dans cette Réforme Agraire. Comme le dit la publicité : l'artisanat est le premier employeur de France. Nous devons donc favoriser son implantation pour stimuler l'économie locale. Or, aujourd'hui, beaucoup de jeunes artisans ne peuvent s'installer dans les zones rurales car, sous couvert de protection de la terre agricole, l'espace leur est interdit.
S'il faut, bien entendu, préserver la ressource en terres arables, les Offices Fonciers seraient un outil pour réfléchir la gestion de l'espace et faire une place à chacun ; notamment aux 25 % de jeunes qui sont à l'heure actuelle exclus de notre société.
De même, les Offices Fonciers permettraient d'attribuer des terres à des personnes qui n'y ont pas accès aujourd'hui : les immigrés et leurs enfants. C'est en effet très facile de leur reprocher de ne s'être pas intégré, mais quelle place leur avons nous vraiment laissé sur notre territoire ?
Combien de Mohamed et de Fatima dans nos campagnes ? On ne me fera pas croire qu'aucun d'entre eux n'est intéressé par la terre et les animaux.

Le troisième cercle accueillerait l'agriculture de circuits courts, pour le commerce local.
Le quatrième, l'agriculture de circuits longs, pour approvisionner les grandes villes.

Nous savons que les animaux naturellement organisés en troupeau ont un nombre optimum. Celui où l'individu et le collectif sont au mieux épanouis. Chez les vaches c'est 40, les moutons c'est 70, et l'Homme ?

      Mais la grande question c'est bien sûr comment les Offices vont devenir propriétaires du sol ? Et c'est (à mon avis!) là qu'est tout le génie de cette proposition. Pisani a très bien compris qu'on ne pouvait pas brusquer les paysans (et la société) et que les choses devaient se faire en douceur. Ainsi donc au départ les Offices ne possèdent rien.
Mais lorsqu'un propriétaire veut vendre, seuls les Offices pourraient acheter.
Lorsqu'un agriculteur arrive en retraite, si ce n'est pas un(e) de ces enfants qui reprend la ferme, elle irait aux Offices, qui la réattribuerait en fonction des besoins de la population locale.
     Enfin, chacun peut se porter volontaire pour vendre son bien aux Offices.
Il n'y a donc pas de révolution sanglante, mais un basculement serein sur quelques années ou décennies. Certaines terres n'appartiendront peut être jamais aux Offices, mais ils occuperaient une telle place que toute spéculation foncière serait impossible et l'agrandissement des fermes maitrisé.
Les agriculteurs signeraient un contrat avec les Offices, qui leur attribueraient la pleine jouissance de leur ferme, pour toute leur carrière (avec transmission possible aux enfants), contre un fermage
(à déterminer en fonction des biens de production).

Il y a évidement plusieurs points techniques à préciser pour rendre cela crédible et applicable.
L'école paysanne 35 en a relevé 5 principaux :
  • définir ce qu'est un siège d'exploitation
  • définir les contrats avec les agriculteurs
  • définir les prix et critères de rachats des terres et bâtiments d'exploitation
  • définir l'étendue des biens qui seraient sous la gestion des Offices
  • attribuer un budget pour la mise en place des Offices
Alors sûrement d'autres questions sont à soulever, à éclaircir, mais quand même, cela ressemble à une sacrée bonne idée, non ?!
Si la Confédération Paysanne ne peut sans doute pas porter ce projet toute seule, ATTAC, le DAL, les associations de chômeurs, de femmes, les jeunes artisans,... pourraient bien se joindre à nous...




Clarisse Prod'homme, école paysanne 35