samedi 1 novembre 2014

Quelle propriété privé pour demain ? Discours 8




Quelle propriété privée pour demain ?

Discours n°8



     L'agriculture est la base de toute société humaine puisqu'elle assure la production de nourriture.
Le choix du modèle agricole est fondamental car de lui découle toute l'organisation de la société.
Pour changer une société il faut donc commencer par réfléchir le modèle agricole.
      Au cours du siècle passé, le capitalisme et le communisme nous ont proposé deux modèles opposés de développement agricole. L'un basé sur l'individualisme, l'autre sur le collectivisme. Chacun a montré ses atouts et ses faiblesses mais aucun n'a été concluant pour bâtir une société humaniste, c'est à dire qui affirme la valeur de la personne humaine et vise à l'épanouissement de celle-ci.
      La proposition d'Edgard Pisani avec les Offices Fonciers se veut un juste milieu, une conciliation entre la gestion collective des terres (car la société dans son ensemble à son mot à dire sur la production de nourriture) et un usage privatif (car la liberté c'est le respect des choix de vie de chacun).
    L'expérience montre que l'unité agricole la plus nourricière (c'est à dire à la fois productive, écologique et humaine) est la ferme paysanne familiale. Pour que notre société assure sa sécurité alimentaire tout en respectant l'Homme et la nature, il faut donc encourager et soutenir ce type d'agriculture.
      A l'heure actuelle cette forme agricole est mise à mal par le poids des biens de production (achat des terres et des bâtiments). L'industrialisation de l'agriculture et la spéculation foncière ont conduit au surendettement de la paysannerie. Surendettement qui freine aujourd'hui l'installation des jeunes et met donc en péril notre souveraineté alimentaire pour les années à venir. Surendettement qui oppresse les paysans et est à l'origine de nombreux suicides.
Les Offices Fonciers sont une proposition qui vise à soulager les paysans de ce poids, en redonnant à la société le contrôle sur son territoire et la production de denrées alimentaires.

     L'idée est donc de créer des Offices Fonciers sur tout le territoire, qui seraient propriétaires du sol et des bâtiments. Un Office Foncier par commune engendrerait un budget et une lourdeur administrative qui pourrait être gênants, Pisani propose donc l'échelle de l'intercommunalité qui permet une gestion locale, proche des réalités de terrain, tout en étant plus souple qu'au niveau communal.
Ces Offices seraient chargés de gérer l'utilisation des terres dans le soucis de l'intérêt général.
     Ils seraient dirigés par des élus locaux (conseillers municipaux, donc accessibles) et un comité foncier, économique, social et culturel (regroupant les représentants des paysans et tous les acteurs de la société civile). Ainsi l'ensemble de la population participerait à la définition et à l'orientation de la politique d'aménagement de l'espace.
Pour financer ces Offices Fonciers, Pisani propose une refonte de l'impôt foncier, calculer à partir d'un Livre Foncier, qui renseignerait les réalités et valeurs foncières.
      Enfin, la gestion de l'espace par les Offices se ferait sur la base de contrats :
« Pour leur habitation principale les ménages obtiennent l'attribution d'une parcelle privative ou à usage indivis. Ces parcelles et ces droits sont attribués sans limitation de durée dès lors qu'ils sont transmis en ligne successorale directe. Il en est de même pour les terres agricoles qui fondent une exploitation de type familiale. Toute sous-location de droit ou de fait de ces biens est interdite. A l'extinction de la ligne directe, le bien foncier et les immeubles qu'il porte reviennent de plein droit à l'Office. »
     
     Ainsi chaque ménage en France aurait droit à son habitation et pourrait la transmettre à ses enfants (Le DAL devrait être sensible à cette proposition ! ). Chaque agriculteur ferait fructifier son exploitation comme s'il en était propriétaire et pourrait également la transmettre à ses enfants.
Le fait de limiter la succession à la descendance directe permet d'éviter les phénomènes d'accumulation (agrandissement des fermes) et de spéculation (augmentation des prix de la terre et des maisons).
Cette formule permet donc de profiter des avantages de la propriété privée (dans l'usage, se sentir chez soi, en sécurité) sans en subir les effets pervers (marchandisation du monde).

     Il est intéressant de noter que ces Offices géreraient l'espace rural mais aussi l'espace urbain car c'est un « projet de loi d'aménagement du Territoire et du Cadre de Vie » Et donc il concerne tous les habitants de la Nation ! C'est un moyen de réaffirmer la continuité de la République sur tout le territoire !
Parce que si l'on en revient à notre village fictif (je cherche toujours quelqu'un(e) pour faire les calculs pour de vrai ! (cf:discours n°1)) alors on peut imaginer bâtir un village qui fasse une place à tout le monde. Sur les conseils d'Astérix et de Kirikou, optons pour un village en rond :

Une place pour la vie villageoise :
*une mairie : parce qu'on est en République et que l'administration c'est l'outil qui fait le lien entre le local et le national
*une école : parce que les enfants ont besoin d'instruction et de vie sociale
*un hôpital : parce qu'il faut bien se soigner
*Une poste : parce qu'il faut bien communiquer avec l'extérieur
*Un ou des lieux de culte : ?????
*Les commerçants : pour qu'il y ait tout sur un seul lieu.

      Le premier cercle autour serait constitué des habitations. Les Offices Fonciers pourraient attribuer certaines habitations à des vieux qui voudraient vivre en petites collocations.
(Parce que tout de même il va falloir revoir ces maison de retraite! )
      Le deuxième cercle accueillerait les artisans, l'agriculture vivrière et les pluriactifs.
Les Offices Fonciers pourraient attribuer des terres à des personnes aux ressources limitées, pour qu'elles complètent leur revenu par de l'agriculture vivrière (intermittents du spectacles, chômeurs, parents isolé(E)s...). C'est le moyen d'assurer une alimentation de qualité pour tous et surtout de repenser l'organisation du travail.
Revenons à nos petits vieux : s'occuper d'un ou deux vieux (ou enfants en bas age car il manque aussi des crèches !) tout en ayant son potager à coté, cela paraît plus sympathique que de courir toute la journée, pour un salaire pathétique, à « traiter 40 patients en maison de retraite ». Cela paraît plus respectueux pour les vieux ET pour le personnel soignant !
Je ne peux pas m 'empêcher de penser aux parents isolé(E)s avec enfants, qui cumulent 2 ou 3 petits boulots mal payés (ménages, service en restauration,...) et qui rentrent le soir et voient leurs gosses « tenir les murs des cités » parce que la société n'a rien à leur offrir. Certain(E)s seraient surement intéressé(E)s par un lopin de terre, une habitation digne de se nom, qu'ils (ELLES) pourraient transmettre à leurs enfants, en échange de service rendus à la collectivité.
L'industrialisation de l'agriculture s'est accompagnée d'une masculinisation de celle-ci et à remis en cause le droit inaliénable de chaque être humainà travailler la terre pour ce nourrir
L'Agriculture Vivrière c'est d'abord, de part le monde, l'agriculture des femmes ; c'est aussi l'agriculture des plus humbles. La reconnaissance de la pluri-activité c'est le respect des besoins et différences de chacun.
Nous devons aussi penser à faire une place aux artisans dans cette Réforme Agraire. Comme le dit la publicité : l'artisanat est le premier employeur de France. Nous devons donc favoriser son implantation pour stimuler l'économie locale. Or, aujourd'hui, beaucoup de jeunes artisans ne peuvent s'installer dans les zones rurales car, sous couvert de protection de la terre agricole, l'espace leur est interdit.
S'il faut, bien entendu, préserver la ressource en terres arables, les Offices Fonciers seraient un outil pour réfléchir la gestion de l'espace et faire une place à chacun ; notamment aux 25 % de jeunes qui sont à l'heure actuelle exclus de notre société.
De même, les Offices Fonciers permettraient d'attribuer des terres à des personnes qui n'y ont pas accès aujourd'hui : les immigrés et leurs enfants. C'est en effet très facile de leur reprocher de ne s'être pas intégré, mais quelle place leur avons nous vraiment laissé sur notre territoire ?
Combien de Mohamed et de Fatima dans nos campagnes ? On ne me fera pas croire qu'aucun d'entre eux n'est intéressé par la terre et les animaux.

Le troisième cercle accueillerait l'agriculture de circuits courts, pour le commerce local.
Le quatrième, l'agriculture de circuits longs, pour approvisionner les grandes villes.

Nous savons que les animaux naturellement organisés en troupeau ont un nombre optimum. Celui où l'individu et le collectif sont au mieux épanouis. Chez les vaches c'est 40, les moutons c'est 70, et l'Homme ?

      Mais la grande question c'est bien sûr comment les Offices vont devenir propriétaires du sol ? Et c'est (à mon avis!) là qu'est tout le génie de cette proposition. Pisani a très bien compris qu'on ne pouvait pas brusquer les paysans (et la société) et que les choses devaient se faire en douceur. Ainsi donc au départ les Offices ne possèdent rien.
Mais lorsqu'un propriétaire veut vendre, seuls les Offices pourraient acheter.
Lorsqu'un agriculteur arrive en retraite, si ce n'est pas un(e) de ces enfants qui reprend la ferme, elle irait aux Offices, qui la réattribuerait en fonction des besoins de la population locale.
     Enfin, chacun peut se porter volontaire pour vendre son bien aux Offices.
Il n'y a donc pas de révolution sanglante, mais un basculement serein sur quelques années ou décennies. Certaines terres n'appartiendront peut être jamais aux Offices, mais ils occuperaient une telle place que toute spéculation foncière serait impossible et l'agrandissement des fermes maitrisé.
Les agriculteurs signeraient un contrat avec les Offices, qui leur attribueraient la pleine jouissance de leur ferme, pour toute leur carrière (avec transmission possible aux enfants), contre un fermage
(à déterminer en fonction des biens de production).

Il y a évidement plusieurs points techniques à préciser pour rendre cela crédible et applicable.
L'école paysanne 35 en a relevé 5 principaux :
  • définir ce qu'est un siège d'exploitation
  • définir les contrats avec les agriculteurs
  • définir les prix et critères de rachats des terres et bâtiments d'exploitation
  • définir l'étendue des biens qui seraient sous la gestion des Offices
  • attribuer un budget pour la mise en place des Offices
Alors sûrement d'autres questions sont à soulever, à éclaircir, mais quand même, cela ressemble à une sacrée bonne idée, non ?!
Si la Confédération Paysanne ne peut sans doute pas porter ce projet toute seule, ATTAC, le DAL, les associations de chômeurs, de femmes, les jeunes artisans,... pourraient bien se joindre à nous...




Clarisse Prod'homme, école paysanne 35

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