ou la philosophie du berger
MOUTON :
du gallo-roman mŭltōnem, accusatif de mŭlto, mot gaulois et maout,
« bélier castré » en breton. Mammifère herbivore de la famille des ovidés, à poils laineux et frisés.
Sens fig. Personne incapable de prendre
une décision et qui se
contente de suivre un meneur (dit mouton de Panurge). « Ils l’ont tous suivi comme des
moutons. »
Par avance
pardon. Pardon pour cet animal si charmant. Pardon a tous ceux qui bergers ou
éleveurs, n’ont pas à rougir de manipuler tous les jours le troupeau. Ils ne
seront en rien dans mon propos, tenus pour responsable de dictature ou de
malveillance envers leurs semblables. La langue Française permet bien des manipulations
du sens des mots. Aussi le mot « Mouton », sera employé ici, dans son
sens des plus figuré.
Et je
conserve toute mon affection à celui qui dans les campagnes… guide ou se laisse
guider…
J’ai
pris l’habitude de compter des moutons imaginaires avant de dormir, ça aide
pour s’endormir plus facilement. Il y a parfois des situations à en perdre la
laine… Car le chemin qui mène à la révolution d’une société, à un changement de
comportement, ou à une simple remise en question de son propre mode de vie ;
n’a rien d’habituel. Et cela sort même d’une certaine logique.
Brebis
égarée pour les uns, mouton à cinq pattes ou vilain mouton noir pour les
autres. Il y en a qui ont quitté le troupeau pour devenir berger. Pas le berger
leader, non. Plutôt berger « gardien » de valeurs. Gardien de la
cité, gardien de savoir-faire, gardien d’une certaine morale ou éthique.
Jardiner, partager, tricoter, écrire ou raconter, chercher, trouver et réussir
et créer, ils sont paysans, artisans et artistes, membres actifs d’une association.
Ils y en a
même qui vont plus loin dans la démarche. Et qui bien que restant doux comme
des agneaux, deviennent mouton enragé ; homme ou femme, paisible, qui sort
soudain de son caractère pour défendre des idées et moutonner (dénoncer
en argot). Ils sont zadistes, presses alternatives, autres activistes et
révolutionnaires.
Prendre un
chemin différent, peut prendre plusieurs formes. Mais la direction est souvent
la même : le changement de notre société.
Mais
finalement, sortir du troupeau, c’est croire agir pour le bien de tous.
« Croire » ! Car il semblerait que pour le reste du troupeau,
cette divergence soit considérée comme le loup dans la bergerie… Car sortir du
troupeau, c’est marquer une certaine rupture, c’est se différencier de la masse
et s’affirmer. L’individu va être assimilé à un dissident, à une brebis
galeuse. Car la marginalisation c’est une forme de dénonciation de ce qui nous
tourmente, de ce qui ne va pas dans le troupeau : vivre en marge du
système car on n’est pas d’accord. Alors ça dérange, ça questionne et remet en
cause chacun d’entre nous et surtout, le troupeau. Le marginal devient le loup
et les moutons du troupeau vont s’unir contre lui.
Si bien
que souvent le mouton ne peut perdre de plume, le loup, quant à lui dans les histoires,
finit tondu comme un mouton.
Mais
revenons à nos moutons…
Qu’est ce que de suivre le troupeau ? Pourquoi est-il honorable (ou pas ?) que des êtres humains suivent sans réfléchir une obligation, une ligne de conduite, ou un acte ? Ordonné ou proposé par un autre semblable, qui se définit comme un chef avec ou sans proclamation.
L’homme est
un être grégaire, il s’organise en communauté. Il n’a dans sa majorité, pas
pour habitude de vivre en solitaire. Il y a bien sûr aisance à vivre en groupe,
en tous cas de figure. Mais il implique de fixer des règles pour toute vie en
société. Et plus cette société est grande et plus elle est régie par une
organisation qui donne pour chacun, le titre de penser ou de faire, le
titre de décider ou d'obéir. Car si chacun est à faire sa tache, qui peut donc
prendre le temps de décider pour le bien commun. Ainsi ont été établis les
oligarques . Il est certain que notre organisation actuelle
créer un clivage entre décideur et obéissant. Car pour être décideur, il faut
peser un poids face à l’autre, se mesurer et montrer que l’on est force. L’élu, le
chef ou le dictateur se démarque par sa puissance face aux autres membres de la
communauté. Cette puissance est qualitative et surtout quantitative. Elle tient
pour unité de mesure, l’argent. Alors notre société est régie par l’économie.
Mais il y a
aussi un sentiment moral d’appartenance. Membre d’une communauté, d’une classe,
d’un territoire etc. Il n’est pas toujours bien venu de faire bande à part
quand on vit dans un contexte grégaire. Le châtiment de se voir faire bande à part,
peut devenir un fardeau porté à vie.
Aussi il est
préférable de suivre le troupeau.
Car se
laisser mener c’est garantir bien des avantages. De la sérénité au paraître, ne
pas prendre la décision c’est profiter d’un calme tout relatif certes, mais
tout de même bien confortable. Car c’est bien de là que viennent nos
problèmes. Le confortable : l’avoir, l’être, le consommé puis le
jeté ; conditionne le mode de vie actuel. Et puis en redemander quand la
source se tarie, est simple quand la masse l'exige. Car comme pour le reste,
seul on est différent, on est rien. En troupeau on obtient ! Pour obtenir
gain de cause et préserver son confortable, le troupeau est une force quand il
est regroupé. Une force qui peut s’imposer même face à la toute puissance
économique du décideur.
Car en
réalité le mouton est individualiste mais dans le troupeau ! Cette masse
que l’on traite dans ce propos n’est en fait que bien relative. Car elle ne se
manifeste que pour préserver son confort. Bien en réalité le mouton est au jour
le jour, bien plus replié sur lui-même que solidaire de la masse. C’est ce qui
fait sa faiblesse. Le décideur l’a bien compris et il utilise sa force pour
maintenir, contenir et diviser le troupeau. L’individualisme n’a rien d’une
solution, il faut se défaire de cette idée. L’individu n’existe que dans le
rêve de chacun car c’est ensemble que nous vivons.
Le marginal
est une menace pour le décideur. C’est le désobéissant, il se manifeste et créer
le trouble. Car celui qui vit en marge du système sort de toute maitrise. La
brebis galeuse en sortant du troupeau, a pris le chemin de l’autonomie.
Mais seul, le marginale reste faible mais pouvons nous imaginer la force que
peut représenter un troupeau de brebis galeuses ?
Alors s’il
faut un berger, il est certainement plus indispensable d’avoir des moutons. Car
c’est en masse que notre société évolue. La force de la masse donne le ton sur
l’importance du changement. Le berger n’a que le bâton pour se différencier du
reste du troupeau. Car il est lui-même mouton. Et si l’on croit au bâton de
berger, il n’est lui aussi qu’une énergie collective. Car finalement c’est
toujours le troupeau qui est aux commandes et qui décide de la direction…
Mikael HARDY,
Ecole Paysanne 35