samedi 1 novembre 2014

Méthodologie pour une Réforme Agraire - Discours n°9




Méthodologie pour une Réforme Agraire


Discours n°9



Agraire signifie les champs en latin. Une réforme agraire c'est « refaire les champs », refaire la taille, la typologie, le partage des champs.

Nous partons du constat que notre société est en souffrance :
  • problème de chômage (5 millions de chômeurs, 10 millions de précaires)
  • problème de pollution et de dégradation de l'environnement
  • problème de santé publique (allergies, obésité, cancers,augmentation de la stérilité ...)
  • problème de logement.
Ces maux sont en grande partie liés à l'urbanisation de la population (87 % de la population française vit en ville) : trop de personnes sur un espace trop restreint.

Parallèlement en campagne :
  • nous manquons de main d’œuvre (les jeunes qui s'installent sont souvent débordés par le travail, ce qui n'encourage pas à la diminution des pesticides)
  • nous manquons de services publiques (isolement des personnes, augmentation du vote FN...)
  • beaucoup de logements sont vacants (perte de patrimoine pour les ruraux)

Et globalement nous vivons dans une société qui pousse à consommer pour consommer et n'a plus de sens. Ce qui engendre une forte augmentation des suicides.

Une réforme agraire est déjà en marche aujourd'hui, la réforme agraire libérale. Qui pousse à l'industrialisation de l'agriculture, à l'accaparement des terres, à l'endettement des paysans et met en péril l'autosuffisance alimentaire : aujourd'hui plus de 70 % de la surface agricole en France est destinée à l'alimentation animale et non humaine ; et l'autonomie alimentaire dans nos grandes villes n'est que de 3 jours.

Nous ressentons tous aujourd'hui que nous basculons dans un nouveau monde. Arrivée à son apogée, notre civilisation commence à décliner ; alors qu'à l'est la Chine s'est éveillée. Les décennies, les siècles, qui arrivent, vont être l'occasion de repenser notre manière de vivre ensemble et d'être au monde.
Parce que le libéralisme laisse trop de personnes sur le bord de la route, l'école paysanne propose un ambitieux programme de relocalisation de la population, de repeuplement de nos territoires, par une réforme agraire humaniste. C'est à dire qui affirme la valeur de la personne humaine et vise à l'épanouissement de celle-ci.
Nous sommes légitimes en cela en tant que paysans. Les grecs anciens appelaient les paysans « les gardiens de la cité ». Car ils travaillent en dehors des murs protecteurs de la cité afin de la nourrir. Notre métier n'est pas anodin, nos choix de vie sont porteurs de sens et nous rendent responsables devant nos concitoyens et notre cité.
Nous repartons des conclusions du congrès national de la Confédération Paysanne d'il y a 4 ans qui préconisait l'installation d'un million de paysans. Mais nous prenons le terme « paysan » dans son sens étymologique : « l'habitant du pays ». Tous les agriculteurs sont des paysans, mais les paysans ne sont pas tous des agriculteurs.
Nous envisageons cette réforme agraire au niveau national puisque jusqu'à preuve du contraire nous faisons partie d'un pays qui s'appelle la France. Mais cette réforme agraire doit se réfléchir et se vivre localement, en fonction des particularités et intérêts de chaque régions, chaque terroirs. C'est pour cela que nous appelons à la création d'écoles paysannes dans chaque départements.

L'école paysanne propose des pistes de réflexion et des actions concrètes pour lancer la réforme agraire : (liste non-exhaustive)

  • aller à la rencontre des urbains, pour trouver les paysans sans terre, les paysans qui s'ignorent et stimuler l'envie d'un retour à la terre :
    * lier des contacts avec toutes les maisons de quartier
    * se greffer sur les expériences d'agriculture urbaine (incroyables comestibles, jardins ou compost collectifs, Défi Famille avec Agrobio...)
    * prise de parole et discussions aux pieds des tours
    * contact avec les squats et lieux alternatifs
    * « fermes en ville » itinérante, pour sortir du centre ville
  • lister les lieux en friche, en ville et en campagne
  • cibler et promouvoir les départements les plus désertifiés pour les repeupler (les îles, le Limousin, etc...)
  • création d'une page Facebook pour entrer en contact avec des personnes éloignées de nous.
  • mettre en place un réseau de « ferme d'accueil », sur le principe des familles d'accueil, pour accueillir les volontaires et les former.
    Création des statuts de paysan-formateur et paysan-élève (à faire valoir auprès des politiques pour motiver des rémunérations). Se mettre en lien avec Entraide Rurale qui a de l'expérience en la matière.
    Cette idée de ferme d'accueil est un outil intéressant pour les fermes laitières classiques qui ont de plus en plus de mal trouver des repreneurs. C'est l'occasion de transmettre ses connaissances mais aussi de réfléchir à l'évolution possible de ces structures.
  • Mise en place de groupe de réflexion sur la gestion du foncier :
    réflexion sur la notion de propriété privé, ses avantages et ses inconvénients,
    les Offices Fonciers de Pisani, les SIC, les coopératives...
    Parce qu'il faut anticiper l'avenir pour ne pas le subir.
  • Reconnaissance du rôle social et politique de l'Agriculture Vivrière.
    Pour reconquérir les territoires désertifiés nous devons revenir aux sources du peuplement : c'est l'agriculture nourricière qui a permis la sédentarisation des populations et l'épanouissement des villages.
    C'est aussi le moyen d'accompagner l'évolution de notre société vers un mode de vie plus sobre, sur les principes de l'agroécologie. Nous ne pouvons pas continuer à vivre au dessus de nos moyens et surtout au dessus de ceux de la terre.
    L'agriculture vivrière est un outil pour redonner un travail et une vie digne à ceux qui en sont privés.
  • Promotion du Revenu de Base, qui permet de réaffirmer la valeur de la vie humaine au delà des critères de productivité et de compétitivité. Ce revenu serait attribué à chaque être humain afin de pourvoir à ses besoins vitaux (alimentation et logement) et le complément viendrait de la somme de travail que chacun souhaite réaliser.
    C'est l'occasion pour tous de réfléchir à la place du travail dans notre vie, entre mono-activité et pluri-activité. Pour beaucoup d'entre nous, si le travail forme le corps et l'esprit, il n'est pas la seule curiosité de la vie.
    Idée de gauche à l'origine, le revenu de base est aujourd'hui défendu par des économistes libéraux, pour faire face à la robotisation grandissante des activités humaines.
Notre objectif, à l'école paysanne, est de lever une armée de paysans, pour reprendre possession de nos territoires et proposer une idée de société plus humaniste.

Notre programme ne prévoit pas de grand bouleversements institutionnels ou juridiques. Ces propositions veulent accompagner le changement des mentalités qui est déjà en marche, car l'organisation de la production agricole est toujours la première question qui se pose à une civilisation naissante.
La reconnaissance de l'agriculture vivrière, par la Mutualité Sociale Agricole et le ministère de l'Agriculture, est le moyen de réaffirmer le droit inaliénable de chaque être humain à travailler la terre pour se nourrir.

Pour faire face aux changements géopolitiques, aux changements climatiques et aux changements sociétaux, nous avons besoin d'une Réforme Agraire, en France, maintenant.


Clarisse Prod'homme, école paysanne 35

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